2013-07-15

Hausse de Prix à Effet de Préjudice

Toute entreprise ambitionne d’avoir une part de marché convenable à maximiser si possible. Pourtant il arrive bien qu’une entreprise soit elle-même responsable d’une grave baisse du volume de ses ventes par l’exploitation maladroite de stratégies, comme celle de la hausse de prix. Dû notamment aux motivations de l’entreprise en déphasage avec la réalité, l’échec de la stratégie de hausse de prix va un peu éloigner l’entreprise de la réalisation de son objectif global. De manière générale une hausse de prix entraîne une baisse de demande normale. C'est une gravité de cette baisse qui porte préjudice à l’entreprise.

Guidé par la motivation

D’une activité commerciale on espère sûrement des rentrées d’argent. Le prix, expression de la somme d’argent attendue pour l’acquisition d’un produit peut changer dans le temps; il est une variable. Si le gain d’argent devient une obsession, on peut facilement se dire qu’il suffit d’augmenter le prix des produits pour accroître la masse d’argent. En soi ce n’est pas bête comme raisonnement; c’est une logique arithmétique acceptable. Mais c’est son simplisme décalé avec la réalité qui le rend inacceptable. Un autre raisonnement dit que pour gagner de l’argent, il faut pouvoir vendre. Pour beaucoup d’entre nous cela est évident; mais il ne faut pas se confiner dans la banalité. En effet, les évidences sont telles qu’elles deviennent banales pour ne plus avoir toute l’attention qu’elles méritent. On en voit alors qu’un aspect.

L’évidence énoncée nous indique que si on est motivé par le gain d’argent, on doit être motivé par la vente. Et dans ce cas, le chef d’entreprise ou à défaut son responsable marketing appréhenderait autrement le prix. Il se fait que c’est par la demande du client que l’entreprise réalise ses ventes. Cela suggère, il semble, que le prix soit favorable à une demande minimale qui permette à l’entreprise d’être rentable.

Coûts et charges ne sont pas l’affaire du client

La demande d’un produit est certainement déterminée par son prix qui est lui aussi déterminé par les coûts de production, les charges commerciales, le contexte (opportunités, menaces)… Ces paramètres étant liés au produit lui-même le prix est fortement corrélé au produit. Or ce que le client voit c’est le produit; ce que le client apprécie c’est le produit. Le client n’a pas connaissance des coûts de fabrication et autres frais; ce qui l’intéresse c’est le produit, sa qualité, sa valeur.

Hausser le prix quand le produit reste le même ou qu’il se dégrade est difficilement accepté par le client. Un cybercafé a ainsi vu sa clientèle se réduire après une hausse de ses prix et tente maintenant de récupérer cette clientèle. Ce n’était déjà pas le cyber proposant la navigation sur Internet la moins chère. Toutefois sans être forcément excellente et sans défaut la qualité était un cran au dessus de celle des concurrents présents. Puis les choses ont commencé à se dégrader: vétusté et défectuosité des machines non entretenues, défaut de mise à jour de l’antivirus, temps d’attente allongé, plantage devenu fréquent, etc.
Plutôt que de chercher à améliorer le service, on s’est contenté de gérer le quotidien. À noter que c’est une caractéristique propre au commun des Béninois. Pendant cette période, les responsables décident un jour d’augmenter les prix. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser alors: «Ils veulent tuer la boîte.» Les clients ont commencé à manifester leur mécontentement et on s’est aperçu que la fréquentation diminuait petit à petit.

Le fait est que les responsables se sont laissés aveuglés par la notoriété dont il jouissait et par l’argument que l’Internet est devenu une nécessité dont les gens ne peuvent se passer. Comme le sort devait s’en mêler pour rendre la chose plus intéressante, un nouveau cybercafé a ouvert ses portes à ce moment. Ce dernier doté de machines neuves proposait une meilleure connexion avec un prix inférieur au prix pratiqué par le cyber en cause avant même sa récente hausse de prix. Qui dit mieux, dirait-on. Les internautes ne se sont pas fait prier. Un employé du nouveau cyber s'est même vanté en ma présence d’avoir arraché les clients de son concurrent.

(In)accessibilité aux produits

La délicatesse au sujet de la hausse de prix est plus patente pour les demandes (très) élastiques ou les demandes de biens complémentaires.
Considérons une société qui offre des abonnements à des chaînes TV à des clients qui doivent d’abord acquérir un équipement de base (antenne + décodeur). Plus tard cette société envisage une hausse de prix. Trouvant que le prix des abonnements est déjà un peu élevé, elle choisit d’accroître le prix de l’équipement. Ce faisant elle compromet la demande d’abonnements car la possession du décodeur est un préalable à l’achat d’abonnements. Ainsi, augmenter le prix au niveau des abonnements et maintenir (ou peut-être bien diminuer) le prix du décodeur apparaît plus judicieux. Mais c’est une option que certaines sociétés refusent de considérer.

Concernant les biens pour lesquels l’un entre dans la composition de l’autre, j’aimerais relever le cas d’une boutique de vente de téléphones mobiles et accessoires qui à plusieurs reprises a augmenté le prix de batteries de téléphones. La conséquence, c’est la baisse de la demande des marques de téléphones dont les batteries étaient les plus chères, le prix étant dissuasif. Au dire de quelques consommateurs approchés, il vaut mieux acheter un nouveau téléphone plutôt que de remplacer une batterie estimée trop chère. De même des consommateurs considèrent qu’une marque dont la batterie est moins coûteuse est préférable à une marque dont la batterie est plus coûteuse. Cette façon de voir du consommateur s’est déjà vue dans le passé, dans les secteurs du transport aérien, de l’hôtellerie/restauration, de l’automobile où des consommateurs se détournent d’une marque de voitures en raison de la cherté de ses pièces de rechange. La pièce de rechange n’est pas perçue comme le produit; c’est la voiture qui est le produit, la pièce de rechange en est un "sous-produit". Elle est nécessaire pour faire fonctionner le produit mais son prix élevé (même en situation de forte demande) peut aggraver la baisse de demande relative.

Conclusion

Lorsqu’une entreprise subit le préjudice d’une hausse de prix et qu’elle tient à conserver ce nouveau prix, elle se voit obligée d’entreprendre de nouvelles actions pour compenser la perte; idéalement en procédant à une amélioration du produit. Il revient alors que la démarche la meilleure est de retoucher d’abord le produit (valeur ajoutée, services associés, positionnement, autres) avant d’augmenter le prix.

D’où, pour moi, une hausse de prix uniquement due à la hausse des coûts (production, commercialisation) n’est acceptable que si cette hausse des coûts est de longue durée, généralisée et totale à tout le circuit. S’il s’agit d’une hausse des coûts à court terme, isolée et dont on peut circonscrire l’impact, la hausse de prix n’est que fallacieuse. Mais en tout état de cause, l’astuce serait pour l’entreprise d’apporter une valeur ajoutée, un "plus-produit" dans les meilleurs délais.

Comme dit plus haut la source du problème est peut-être l’entendement à propos du prix. Dans ma compréhension la hausse de prix n’est pas faite pour régler des problèmes de tout ordre. Mais j’ai eu la vague impression après avoir entendu le raisonnement peu éloquent d’un opérateur économique que la hausse de prix est considérée comme une tactique pour renflouer les caisses afin de faire face à des difficultés de trésorerie, à des déficits financiers. C’est une conception renversante de l’activité commerciale qui semble dire que ce sont aux clients de payer pour les mauvaises décisions, la mauvaise gestion des responsables d’entreprise et les mauvais rendements qui en découlent. C’est une idée très dangereuse qui, ma foi, n’est guère différente d’une simple arnaque de la clientèle.

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