2011-09-04

Déclin de Plus en Plus Sérieux du Français au Bénin

Le déclin de la langue française est de plus en plus frappant au Bénin. Il y a des expressions et tournures qui ont aujourd’hui cours dans ce pays qui n’ont rien à voir avec le français. Des fautes de grammaire et d’orthographe se multiplient de manière inquiétante. Si le phénomène ne se limitait qu’à la «classe» des analphabètes de langue française et demi-lettrés (les plus dangereux de tous), il n’y aurait pas de quoi s’alarmer. Mais ce qui est maintenant terrible c’est que la calamité s’observe dans le cercle "prestigieux" des personnes appelées intellectuels; ceux-là de qui précisément on est en droit d’attendre un français châtié. À tel enseigne qu’on se demande si ces intellectuels-là ont appris leur français dans quelque pays anglophone ou lusophone complètement fermé à la langue française.

Quelques types de fautes

Voici un échantillon non exhaustif du charabia qu’on entend de la bouche des Béninois.

Une incompréhension de l’emploi au mode intransitif de certains verbes fait qu’on entend les gens dire des phrases du genre: "Il faut la dire...", "Il faut la demander...", "Je vais la donner ton numéro" parce que la personne à laquelle on se réfère est une femme. On pense que le pronom ‘lui’ est uniquement utilisé pour un sujet masculin. Mais il suffit de se rendre compte que ‘lui’ n’est pas le masculin de ‘la’ mais plutôt de ‘elle’ et que c’est ‘le’ qui est le masculin de ‘la’ pour savoir qu’on se trompe. Pour plus de compréhension à ce sujet je vous renvoie à un bon précis de grammaire.

On entend les gens employer le verbe "payer" à la place de "acheter", on entend aussi dire "à cause de" à la place de "grâce à"; sans compter ces phrases sans présence d’article qu’on entend de plus en plus: "Je veux boire bouillie", "Vendez-moi pain", etc. à la manière de mes amis de l’autre pays qui ont fini par s’inventer un patois propre à eux, à force de mal parler français. Il y a des établissements qui ont écrit "Fermez" sur leurs écriteaux pour indiquer aux clients quand leurs portes sont fermées. Sans vouloir leur faire la leçon, il leur faut savoir qu’on écrit plutôt "Fermé" et qu’il s’agit d’une phrase elliptique de verbe et sujet; la phrase complète étant: "C’est fermé" mais on écrit "Fermé" pour abréger. Quand vous essayez de corriger certaines gens on dit que vous faites le pédant. Et dans certains milieux vous risquez même votre vie car les plus susceptibles et aigris ont tôt fait de vous envoûter; rien que pour ça. Alors ceux qui ont de la connaissance se méfient.

Les fautifs

Mais qui sont ceux qui rudoient ainsi la langue française, voudrez-vous savoir. Comme je l’ai signifié depuis le début c’est tout le monde; il n’y a pas que les non scolarisés. J’ai surpris des enseignants du primaire et du secondaire aussi dire "Il faut la dire que...". Pour le moment je ne l’ai pas encore entendu chez les enseignants du supérieur; pour le moment. Par contre j’ai déjà entendu des étudiants détenteurs de maîtrise s’exprimer ainsi. Je n’ai ni maîtrise ni licence mais les notions élémentaires de français me suffisent pour savoir qu’on ne dit pas "Il faut la dire..." et je me demande pourquoi des gens avec de grands diplômes s’expriment de la sorte.

Vous ne vous y attendiez peut-être pas mais les journalistes et animateurs sont aussi de la partie. "Prennez le rendez-vous" est un exemple de message pour attirer des sponsors pour la retransmission de matchs de football que j’ai vu à la télévision nationale (ORTB). La dernière fois, j’étais là quand un voisin est venu demander s’il y a accent sur le mot "faites" comme dans «Faites le déplacement». Je lui ai répondu que non et il m’a dit d’aller voir à la télé, qu’il y a un message qui passe sur l’ORTB dans lequel on a écrit "faites" avec un accent circonflexe sur le ‘i’. Et il y a d’autres exemples comme ça. C’est à se demander s’il n’y a personne pour faire les corrections avant le passage à l’antenne. Bon, si c’est pour constituer des clans, se chamailler, se mettre les bâtons dans les roues et autres, ils savent le faire. Je donne des exemples concernant l’ORTB parce que c’est l’organe de presse national mais ce sont tous les organes de presse au Benin (télévisions, radios, journaux, sites internet) qui commettent ces fautes.

Un autre fait c’est qu’il y a des journalistes qui ont un problème d’élocution qui ne font aucun effort pour se corriger. On entend des journalistes d’une certaine chaîne se plaire à dire "staticien", un autre se permet même de dire "stacien", au lieu de "statisticien"; c’est grave. Moi-aussi je me suis rendu compte que j’ai quelques problèmes d’élocution et je m’exerce à les corriger. Si on a des difficultés à prononcer "statisticien" eh bien il faut apprendre à bien articuler, c’est quoi ça? On a également des ministres qui s’expriment à peine mieux que l’homme de la rue. Bon, je ne vais pas donner d’exemple car cela risque de permettre de les identifier trop précisément. Avant d’écrire cet article j’ai discuté de ce sujet avec des gens. Trouvant que j’étais trop sévère on m’a dit: "Mais tout le monde fait des erreurs". Oui bien-sûr, à commencer par moi! Mais il y a des erreurs que je suis prêt à pardonner à un technicien en génie civil, par exemple, que je ne pardonnerai pas à un journaliste. Là!

La fausse excuse

«Je ne suis pas français.» ou «Le français n’est pas ma langue (maternelle).» entend-on des intellectuels dire pour leur défense au reproche de mal parler français. De qui est-ce la langue? Moi? Pas du tout. D’ailleurs pour parler comme les enragés et hostiles à la France, qu’est-ce que ça nous apporte de parler leur langue depuis des dizaines d’années? De plus lorsque vous voulez aller dans leur pays, on vous crée toutes les difficultés pour vous empêcher d’y aller. De ce fait je suis d’accord qu’on promeuve et (re)valorise nos langues pour se débarrasser du français.

Malheureusement on n’en est pas encore là et en attendant on doit encore faire usage de cette langue qui nous a été imposée par la colonisation. C’est pourquoi je trouve vraiment amusant d’entendre surtout les gens du sud se défendre que le français n’est pas leur langue. En effet, la colonisation a commencé et s’est faite principalement sur les côtes avant de progresser à l’intérieur de l’Afrique. Cependant on constate au Bénin que dans le nord les gens font plus l’effort de s’exprimer en français que les gens du sud. Au nord la bonne femme vendeuse qui n’a jamais été à l’école s’efforce pour vous dire quelques mots de français si vous êtes un étranger. Par contre quand vous allez au sud, on vous agresse systématiquement avec le fon, c’est pas possible! J’ai un frère dans le sud qui m’a raconté avoir eu affaire à une vendeuse de la région qui lui parlait goun. Il lui a dit qu’il ne comprend pas et la dame de répliquer en goun "comment peut-il être à Porto-Novo et ne pas comprendre goun?"; traduction qu’il reçut d’une personne à proximité. Pourtant au Bénin, on n’est pas encore obligé de comprendre une langue locale particulière.

Autrefois quartier latin de l’Afrique? Je n’y crois pas

On nous a dit que le Bénin était le quartier latin de l’Afrique. Mais permettez-moi d’en douter. Je ne conteste pas que l’époque des Hazoumè, Pliya et autres était une époque du français soutenu mais là je me dis que c’est pour nous flatter que le blanc nous a donné le titre de quartier latin; flatterie due peut-être d’ailleurs aux intellectuels comme ceux suscités. Ceci expliquerait bien cela.

Conclusion

Je ne suis pas un défenseur de la langue française, loin de là. Ceux qui me connaissent savent que j’ai une préférence prononcée pour l’anglais, même si je ne le parle pas encore comme je voudrais. Seulement j’ouvre ma grande gueule pour parler du charabia qui a cours au Bénin dans le but d’amener les gens à se ressaisir pour donner au pays une image plus honorable.

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